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Logline

A l’appel des liens subtils qui l’unissent à ses Ancêtres en Afrique, la poétesse Nicole Cage retrace son parcours mémoriel depuis la Martinique jusqu’à Ouidah et nous fait vivre sa métamorphose.

Synopsis

2022, février, mars : L’occasion tant attendue d’un retour au Bénin se présente : Nicole Cage séjourne au CCRI John Smith de Ouidah pour une résidence d'écriture afin de poursuivre l’écriture du texte commencé 14 ans plus tôt, “Plus fort que l'oubli”.


Elle est sujette à diverses émotions et milles idées la traversent. Tout en se préparant à aller à la rencontre de la terre de ses Ancêtres, elle ressent un bouleversement de tout son être. Quelque chose en elle qui réveille de lointains souvenirs.  Elle s’efforce de rester centrée sur l’objectif qui est le sien à travers cette résidence de deux mois…
Elle s’en souvient comme si c’était hier… ce premier contact avec l’Afrique qui la fit pleurer des heures durant et, à travers ses larmes, comme une intime évidence, le sentiment qu’elle venait de là, du Bénin…


Souvenir : Ouidah, Bénin, mars 2008… Accompagnée du Professeur Nouréini TIDJANI-SERPOS[1] et  les autres  invités au SIPOEF (Salon international des poètes et auteurs francophones), Nicole marche pieds nus dans le sable brûlant, jusqu’à la Plage du Non-Retour. Chaque pas la ramène quelques siècles en arrière. Elle entend, elle voit, perçoit la présence de ses Ancêtres embarqués de force sur les navires négriers pour un voyage sans retour. Elle revit et ressent la violence des émotions qui cyclonent l’âme des siens. Cette expérience ravive en elle des souvenirs dont tout lui semble familier et étranger à la fois. Elle entame alors l’écriture du texte dont le titre s’impose à elle : Plus fort que l’oubli.


Nicole est décidée à rassembler les pièces manquantes au puzzle de son histoire. Elle entreprend des échanges avec son hôte, le Directeur du CCCRI John Smith de Ouidah, Janvier NOUGLOÏ et des artistes locaux présents au CCRI dans le cadre du MAO (Mois de l’Artiste à Ouidah). Elle visite les couvents endogènes et découvre une autre facette des cultes aux divinités. La danse, les chants, les costumes et l’ambiance convoquent des réminiscences en elle. 


Le soir, seule dans sa chambre, elle avance dans l’écriture de Plus fort que l’oubli. Tout en poursuivant recherches et écriture, elle tisse des collaborations avec de nombreux artistes béninois. Les visites sur les lieux mémoriels et cultuels ainsi que les liens humains et artistiques la transforment peu à peu. Elle vit pleinement la préparation de ces différents partages et rendez-vous artistiques. Toutes ces expériences concourent à l’expression des transformations qui se font jour en elle.


Qu’il s’agisse du récital qu’elle donne ou des lectures-spectacles de Plus fort que l’oubli, le public est au rendez-vous, très nombreux : public scolaire, artistes, dignitaires, les ami (e)s de toujours, parmi lesquels le professeur Nouréini Tidjani-Serpos et quelques anciens membres du comité (ou poètes invités) du SIPOEF. Nicole vit une expérience unique, elle se sent intégrée, acceptée, en famille. Elle perçoit maintenant l’existence des liens subtils qui la lient à cette terre, à tout ce monde qui l’entoure, l’accepte, la comprend, la suit, l’accompagne dans sa quête et dans sa restauration. Voilà le mot, dans sa restauration. Elle monte sur scène, fière et apaisée et en descendant de scène, Nicole sait maintenant qu’au-delà de l’oubli, du temps, et de la distance  existent des liens qui unissent les êtres, unissent les vivants et les ancêtres. Une rencontre avec elle-même et son passé qui refonde désormais sa vision du monde et ses créations. Le titre du texte, trouvé dès son premier voyage en 2008, fait plus que jamais sens.  Les mots lui viennent désormais de façon plus fluide, parfois dans une sorte d’écriture intuitive, comme la dépassant elle-même.


Sa présence au Bénin semble couler de source, tant les occasions d’y revenir se multiplient. Ainsi, c’est en tant que membre du jury des Grands Prix Afrique du Théâtre Francophone qu’elle s’y rend de nouveau de septembre à octobre 2022. Cette fois, elle n’effectue qu’une visite dans un couvent, hors de Ouidah, dans la Vallée de l’Ouémé plus précisément. Du point de vue artistique, dans le cadre des Grands Prix, elle donne en lecture-spectacle sa pièce de théâtre inédite, Dessous les voiles, la nudité. 


C’est aussi à l’occasion de ce séjour qu’elle entame l’écriture du recueil de versets poétiques Oriki (sous-titre : Ne dis pas). Assise à la table des petits-déjeuners, en attendant que celui-ci lui soit servi, elle écrit un premier verset intitulé Ne dis pas. Elle ne sait pas alors qu’un recueil entier sortira de ces rendez-vous matinaux avec elle-même et… avec “plus grand qu’elle”.


En 2023, un nouveau voyage l’attend, cette fois-ci pour écrire l’adaptation théâtrale d’un de ses contes, Tibougla et le jardin des rêves. Une fois l’écriture terminée, cette pièce est mise en scène par Michel Beretti, (metteur en scène suisse vivant au Mail) au CCRI par une troupe de jeunes comédiens de Ouidah. Au cours de ce voyage, elle rencontre Dada Nafodji, le roi de Dèdomè, une petite cité de la commune de Kpomassè, située à une vingtaine de kilomètres de Ouidah. Vestige d’un ancien royaume qui peine à exister. Comme si elle y était attendue depuis des siècles, elle reçoit une révélation. Celle de restaurer la mémoire de la reine fondatrice du royaume de Dèdomè, Nan Dédo. Nicole organise une campagne de salubrité pour rendre de nouveau accessible la forêt sacrée de Dédomè et redorer l’image du palais. Mais les oracles insistent. Elle doit se faire introniser princesse de Dèdomé. Sa mission est pleinement révélée.  Nicole ne saurait se dérober à la clairvoyance qui l’habite désormais. Elle se prête aux cérémonies de son installation, rites et cérémonies riches en couleurs.  Nicole a maintenant conscience de sa pleine mutation. Il est désormais question de porter au reste du monde, le message de la possibilité de restauration de notre être, pleinement. Dans le silence de son regard, se lit sa métamorphose.   La vie autour d’elle, à Ouidah ou en Martinique suit son cours et Nicole y retrouve désormais sa place, plus que jamais consciente et sereine.  



 

[1] Noureini TIDJANI-SERPOS, né le 15 janvier 1946 à Porto-Novo (Bénin), est un écrivain, essayiste, critique d’art et haut fonctionnaire béninois. Directeur adjoint de l’UNESCO à la retraite. Fondateur de la FONPADEC, Fondation panafricaine de développement culturel.

Note d'intention


Christian Foret


Ziguinchor, Sénégal, septembre 2022. En plein tournage de documentaire, je reçois un appel. Au bout du fil, de l’autre côté de l’océan, Nicole Cage. Nous nous connaissons sans vraiment nous connaître, cela suffit pour entamer un échange tout de suite fructueux.

En quelques mots, elle me raconte une partie de son histoire. Celle qui la lie au Bénin, aux personnages qu’elle y a rencontrés, aux mythes, aux paysages, aux êtres qui peuplent ce pays et surtout le lieu intérieur où cette aventure l’a amenée.

C’est sa démarche, faite écriture, qu’elle désire mettre en image. Et d’une façon originale, comme symbolisant un trajet personnel : Travailler avec un réalisateur Béninois et un réalisateur Martiniquais autour de son texte toujours en construction.

J’accueille l'idée avec joie, je me trouve alors au milieu de la Casamance dans une même démarche de questionnement de cette part africaine qui fait partie de nous, sans être tout à fait nous.

Lecture

De retour en Martinique, je reçois le texte de Nicole Cage. J’en prends connaissance. J’y vois d’abord une histoire personnelle, se posent alors plusieurs questions : Comment pourrait-elle devenir universelle ? Ensuite, je m’interroge sur la place de Nicole dans le récit. Sommes-nous face à un portrait ou à l’adaptation distante d’un récit de voyage ?

Je l’analyse alors du point de vue du rapport à la narration filmique. Je note ce qui me semble être les points forts et aussi les points faibles. Le potentiel cinématographique du récit, je le perçois, mais j’ai besoin de fouiller. Rentrer dans l’univers de l’autrice du texte, et parallèlement le connecter à mon propre univers.

Portrait

S’il s’agit d’un portrait, l’auteur peut-il en être lui-même le personnage central ? C'est une des questions que je pose directement à Nicole Cage, ressentant assez vite que l’écriture de ce film doit passer par des questions de fond, bousculer les certitudes, s’interroger sur tous les détails, remettre en question les positionnements. Ce que je peux alors porter à ce projet se situe là.


Une quinzaine d’années auparavant, je réalisais avec Alain Agat le film “Lescay”, portrait du peintre et sculpteur cubain Alberto Lescay Merencio, fruit d’une rencontre improbable au départ. Mes notes pendant la fabrication de ce film se résumaient en quelques mots : Observer et comprendre le personnage, lire sa démarche artistique, puis laisser l’image et les mots faire le reste dans une construction quasi intuitive. L’approche pourrait être similaire dans “Plus fort que l’oubli”, bien que la charpente du futur film ne soit pas l’auteur, mais le récit d’une partie de sa vie. Et ce récit a des particularités. Il ne documente pas seulement une expérience, il fréquente la poésie, la réflexion, des éléments très personnels et d’autres qui relèveraient presque de la non-fiction. En cela, ce documentaire de création se présente à moi comme le prolongement d’un processus ayant pour objet de traduire de façon sensorielle le langage artistique de la Caraïbe.


Récit de voyage

De prime abord, “Plus fort que l’oubli” est pour moi un carnet de voyage du Vauclin à Ouidah, de la Martinique au Bénin, aller et retour, allers et retours.

C’est aussi une sorte de road-movie dans le sens où, à travers le texte, nous allons aussi à Paris, France, à La Havane, Cuba, à San-José, États-Unis, et nous sommes souvent dans les avions ou en escales. C’est un entre-deux où le chemin est aussi important que les lieux où l’on se pose.

Comme beaucoup de récits de voyage, il se base sur une expérience vécue et décrit la perception, par l’autrice, des lieux visités, des personnes rencontrées. Il exprime avant tout son point de vue. Ce sont ses émotions, ses réflexions et ses sensations qui doivent nous guider afin de trouver le chemin filmique permettant une connexion émotionnelle avec le spectateur.


Écritures

Comprendre “Plus fort que l’oubli”, c’est pour le réalisateur, l’appréhender de la manière la plus naturelle possible, aller vers le texte en évitant tous les préjugés liés aux thèmes développés. Et au-delà du texte, ressentir la musique des mots, ce qu’elle livre entre les lignes.

Ma façon d’entendre cette musique est celle d’un réalisateur de cette partie du monde ou la question des origines est de tous les instants. De qui sommes-nous les héritiers ? Dans quels endroits du monde doit-on chercher notre essence ?


Si ces questions font sens, ce n’est pas tant par les réponses que l’on peut y apporter que par le simple fait de se les poser.


Elles éclairent nos propres valeurs et motivations, notre situation dans ce monde en perpétuel mouvement grâce à la connaissance de traditions et d’histoires ancestrales. Elles contribuent également à tisser des liens plus forts avec notre communauté, de la diaspora à l’intime du cercle familial.

Dans le même temps, elles nous appellent au discernement afin de ne pas en faire une obsession qui nous mènerait à nous perdre dans le passé.

Enfin, en tant que Caribéen, se poser ces questions, invite paradoxalement à garder une ouverture d’esprit, interdisant de s’enfermer dans une identité définie par nos origines réelles ou fantasmées.

Fluidité

Ma lecture de ‘’Plus fort que l’oubli ” et surtout le travail d’écriture m’amènent à penser ce film comme un fluide en mouvement. Une rivière qui coule en permanence ou une brise dans les feuilles d’un arbre. Il doit nous entraîner dans un flot d’émotions, d’interrogations qui viennent puis repartent, jamais figées dans des certitudes.

Le propos ne peut pas ici être didactique ou descriptif. Au-delà de la narration de l’expérience vécue, c’est à travers le symbolisme des formes, les atmosphères à développer, les images qui disent sans dire, qui dévoilent sans montrer, qui montrent sans dévoiler, que se situe le travail filmique.


Explorer des langages poétiques existant entre les lignes du texte et les développer, et garder à l'esprit que le film est un voyage et non une destination. C’est à chaque spectateur de trouver la sienne ou de se laisser emporter dans un mouvement infini.

Note d'intention

Christian Noukpo Whannou



J’ai rencontré Nicole Cage au Centre Culturel de Rencontre International John Smith de Ouidah et la nécessité de raconter l’histoire du livre « Plus fort que l’oubli », puis de son histoire à elle, s’est imposée à moi comme un besoin d’accomplissement personnel dans ma démarche de conteur et de collecteur de mémoire. Plus fort que l’oubli est un portrait créatif de Nicole Cage, la restitution d’une tranche de vie qui relate la réalisation d’un destin ; au-delà des faits, du temps et de l’espace.

C’est un récit fidèle qui se présente sous la forme d’une déambulation poétique de la poétesse Nicole CAGE, de son départ angoissé et impatient de Fort-de-France, jusqu’à Ouidah qu’elle atteint au milieu de la nuit, en état « d’apnée émotionnelle ». Une déambulation qui emprunte tantôt le rythme de l’écriture des pages qu’elle griffonne avec fièvre, tantôt celui des visites mémorielles, des prestations littéraires et artistiques ou celui, plus heurté, des images vieilles de quatre siècles qui semblent jaillir de nulle part et se bousculent dans sa tête, se disputant sa mémoire et ses souvenirs.

Comme répondant à un appel lointain, je me suis laissé convaincre par l’envie de la poétesse de concrétiser en image et son, son parcours, de témoigner de son besoin de tresser physiquement l’un à l’autre, les deux bouts de cette corde subtile et oubliée qui lie encore l’Afrique et sa diaspora. Et ce film comme une suite de réponses à une série de questionnements, nous fera découvrir ce qui, plus fort que l’oubli, éveille l’esprit de Nicole CAGE au contact de Ouidah, des siècles après.  Ce qui ensuite la révèle à elle-même et ce qui, en fin de compte, la transforme en cette princesse sereine et accomplie. La personne humaine plus qu’un corps et un esprit, est une mémoire intemporelle de conservation et de préservation du patrimoine immatériel des peuples. Un patrimoine que le parcours de Nicole CAGE vers la terre de ses ancêtres découvre et déshabille avec ferveur et émotion.

Conter ce savant mélange de poésie, de danse, d’invocations et de rituels séculaires, dans le labyrinthe des souvenirs où viennent s’entrechoquer rêves et illusions métaphysiques, me paraît unique et singulier. S’immiscer avec lenteur dans l’intimité mémorielle de la poétesse, pour saisir l’insaisissable appel de la Terre-mère, la connexion avec les ancêtres, la restauration de son identité et l’accomplissement serein de sa personnalité s’impose dès lors. Trouver les images justes et les témoignages vifs pour conter ce parcours, pour nous raconter Nicole CAGE. Retrouver “la voix intarissable des âmes immolées”, immortaliser leur résurrection à travers cette héritière désignée et rapatriée depuis les Antilles, depuis cette terre volcanique si chère à Aimé Césaire. Voilà ce qu’il s’agit de magnifier dans ce film.

Plus fort que l’oubli vient sublimer l’art du récit vivant et nous emporte dans l’intime de Nicole CAGE qui se métamorphose au contact de l’Afrique, et porte l’ultime message de la nécessité de restaurer nos certitudes en nous reconnectant à nos origines.

Note d'intention

 Nicole CAGE

 

Au commencement était l’émotion

De l’émotion à la page, puis à la scène théâtrale, et enfin à l’écran… quel parcours aussi inattendu que singulier que celui de Plus fort que l’oubli !

Ce texte qui m’habite, ce texte qui me travaille, qui me malmène, qui « fait ses affaires » sans avoir cure de son auteure — d’ailleurs, n’en suis-je pas plutôt la scribe ?— depuis que son écriture s’est imposée à moi un caniculaire matin de 2008…

2008, premier voyage au Bénin (et en Afrique dite « Noire »), invitée par le jeune Amine Laourou à participer au SIPOEF (Salon international des poètes et écrivains francophones). Il y avait, bien sûr l’enthousiasme de découvrir enfin l’Afrique et par le meilleur biais qui soit, celui de la poésie ! J’ai entrepris cette traversée de l’Atlantique entre joie et curiosité anthropologique.

Je n’étais pas préparée à la déflagration que j’ai vécue, quand, au lendemain de ma première nuit à Cotonou, j’ai été, pendant plusieurs heures,  secouée par de violents et irrépressibles sanglots… Après ce long temps, seule, face à moi-même dans cette chambre, une évidence s’est imposée à moi, au milieu des larmes : « Je viens d’ici ! Je viens d’ici ! Je viens d’ici !» Je répétais cette phrase à haute voix sans m’en rendre compte… jusqu’à ce que j’entende ma propre voix la prononcer : « Je viens d’ici… »

Alors, une étrange paix est descendue sur moi, les sanglots se sont peu à peu apaisés. Car mes cellules même acceptaient l’évidence…

J’ai, par la suite, visité d’autres pays d’Afrique, comme le Cameroun, à deux reprises, et la Côte d’Ivoire mais nulle part ailleurs qu’au Bénin, je n’ai ressenti ce sentiment profond, presque violent, de connexion avec un lieu, des gens, une histoire.

Partie sans apriori, sans intention, sans aucun dessein de retrouver mes origines, sans aucun rêve « garveyien » de « rentrer à la maison », partie à un moment où le panafricanisme kémétique n’était pas encore devenu le sésame des Afrodescendants, l’Afrique venait, sans détours ni flonflons, m’ouvrir ses bras de Mère et me souffler à l’oreille un message que j’attendais à mon corps défendant…

Ouidah… la Route de l’Esclave… avec le meilleur guide qui soit, le professeur Nouréini Tidjani-Serpos… En silence… Enlever mes chaussures et marcher ainsi pieds nus dans la terre rouge puis le sable brûlant, jusqu’à la Plage du Non-Retour… Seule et accompagnée, marcher… Et s’impose alors à moi le titre d’un livre dont je ne savais même pas que j’avais décidé de l’écrire : Plus fort que l’oubli

2022… 14 ans après ce premier contact qui a changé jusqu’à la chimie de mon corps, jusqu’à mon souffle littéraire, jusqu’à ma posture scripturale, je suis revenue au Bénin poursuivre l’écriture de ce livre… Plus fort que l’oubli… grâce à une résidence d’écriture au CCRI John Smith de Ouidah.

J’y suis retournée deux autres fois, avec le sentiment tenace que ce livre était loin d’être achevé, que l’histoire, mon histoire avec l’Afrique, ne faisait que commencer…

Et puisque j’écris et crée depuis toujours avec la conviction que l’histoire d’un(e) est l’histoire de tous, que le parcours d’un(e) trouve écho dans le cheminement de tous, que les questions d’un(e) peuvent trouver écho et réponse dans le tracé des lignes d’un peuple tout entier, j’ai éprouvé l’envie — que dis-je – le besoin de partager ces pages d’écriture lavées par mes larmes, ces questions dont les réponses ont pu inattendument surgir à travers la flamme tremblante d’une lampe éclairant les lignes incertaines et néanmoins mathématiques du Fâ, le rythme lancinant du tambour sacré, les rires aux éclats bleutés du vin de palme, le bruyant silence des nuits ouidaniennes…

Du récit d’un voyage au projet de film

En mars 2022, plusieurs personnes ayant assisté à la restitution de mon travail de résidence autour de Plus fort que l’oubli, sous la forme d’une lecture théâtralisée, me confient avoir vu s’y dessiner la trame d’un court métrage en mode déambulation poétique.

Le directeur du CCRI, Janvier Nougloï, adhère à cette suggestion et prend alors l’attache d’un réalisateur béninois dont il apprécie le travail, Christian Noukpo Whannou.

La connexion s’établit très vite, le projet est lancé. La Ville du Saint-Esprit, partenaire du CCRI, apporte sa contribution à la réflexion autour de ce projet auquel elle croit d’emblée. Mue par l’objectif de développer davantage les collaborations artistiques entre les villes (Ouidah, Saint-Esprit), la directrice des affaires culturelles et de la Médiathèque de la ville, suggère l’apport d’un réalisateur martiniquais, en la personne de Christian Foret, suggestion à laquelle j’adhère sans hésiter.

La ville accueille en résidence les deux réalisateurs et l’auteure afin de leur permettre de poser ensemble les bases d’une transcription scénaristique du texte littéraire.

A l’issue de ce temps de résidence aussi intense que fructueux, le besoin s’impose de poursuivre le travail d’écriture scénaristique.

Le texte Plus fort que l’oubli est, au départ, une narration, depuis le lieu de l’intime d’une re-connexion non programmée, non fomentée, avec l’Afrique et singulièrement le Bénin.

L’objet théâtral qu’il est devenu (lecture à l’Institut français de Cotonou, lecture théâtralisée au CCRI John Smith, lecture par des comédiens au Bivouac de la Chartreuse d’Avignon, lecture théâtralisée et chorégraphique à la Médiathèque de Saint-Esprit et à la Paillotte des Anses d’Arlet) s’est en quelque sorte effectué « sans préméditation », quasiment à mon corps défendant.

Comme si ce texte écrit par moi avait décidé de vivre sa propre vie, son propre chemin, sans avoir aucunement cure de son auteure.

C’est également ainsi que l’idée du film fait son chemin et est passée de celle d’un court métrage de déambulation poétique à un projet de long métrage, tant la matière — l’ensemble de mes quatre séjours au Bénin, et la trame d’une tranche de vie — semble dense.

Donner à voir, à ressentir, à vivre un cheminement né d’une émotion, un chant intime qui peut trouver écho en plus d’un(e) en plein cheminement tant intérieur que collectif.